Le marché funéraire n’échappe pas à la règle économique : comme tout commerce, il s’agit de développer les ventes, rien de plus.

Les entreprises qui envisagent leur raison d’être comme une mission politique sont encore rares. Citons toutefois l’américain Patagonia qui fait figure de pionnier ou l’assureur MAIF, qui se démarquent par des prises de position courageuses et n’envisagent plus le gain comme l’alpha et l’oméga de leur activité.

À ce titre, le paysage funéraire français se transforme lui aussi. Place désormais à l’humain ou effet de mode qui vise encore une fois à duper le consommateur ?

Le commerce « discount » du funéraire

Avec un chiffre d’affaires estimé à 2,5 milliards d’euros par an en France, le secteur des funérailles attise les convoitises depuis des décennies.

Dans les années 1980, Michel Leclerc s’intéresse justement à ce marché, encore sous le joug du monopole communal des pompes funèbres. S’appuyant sur une stratégie commerciale agressive, le « phénomène Leclerc » révolutionne le monde funéraire.

Premièrement, avec l’appui des pouvoirs médiatique et politique, Michel Leclerc discrédite et met fin aux monopoles en faveur de la libéralisation du secteur. Sa position est claire et assumée : « on doit pouvoir choisir son enterrement comme on choisit sa robe de mariée ».

Deuxièmement, la guerre des prix est déclarée : le « discount » vise à casser les prix sur les produits et services des pompes funèbres. C’est l’avènement des prix bas sur les cercueils et des offres packagées.

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Le secteur verse donc dans l’appât du gain.

Image de marque peaufinée, vente de prestations en lieu et place des rituels, discours commercial aiguisé, prix défiant toute concurrence, publicité multicanale… Les pompes funèbres Roc-Eclerc se positionnent comme les « supermarchés du funéraire ».

Et contre toute attente, le réseau de franchisés Roc-Eclerc est devenu un acteur incontournable du secteur, avec à ce jour près de 400 magasins et plus de 2 000 professionnels répartis dans toute la France, une notoriété indiscutable, la plus forte croissance du marché funéraire, des récompenses de consommateurs…

Vers plus de relationnel et d’humanité dans les obsèques

Au Québec, cela fait des décennies que le secteur du funéraire évolue vers davantage de transparence des tarifs et une approche plus humaine où l’accompagnement est la clé.

Une société de pompes funèbres n’est pas un « vendeur de cercueils ».

La Coopérative de Pompes Funèbres à Nantes Orvault juge ces méthodes discutables : « le décès d’un être humain ne devrait pas être l’occasion d’une recherche de profit et d’exploitation du deuil ». Dans un secteur – et plus largement une société – où l’argent a longtemps primé sur l’humain, l’aspect relationnel revient donc en force, telle une nécessité.

Le modèle d’entreprise est également tout autre. La coopérative priorise l’investissement et la rémunération des parties prenantes, avec un actionnariat qui accepte des règles du jeu différentes. Il s’agit de prendre le problème à la base en ramenant l’intégralité de la valeur produite par une entreprise auprès des salariés, individuellement par des hausses de salaires et collectivement par un contrôle financier de l’entreprise.

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Créer un lien individualisé

Outre le modèle, la coopérative est l’interlocuteur privilégié des familles endeuillées. Le conseiller funéraire doit incarner une figure de confiance. Disponibilité, écoute, empathie et accompagnement représentent autant de qualités nécessaires.

« Ce qui est important, c’est tout l’aspect relationnel. La prise en charge, l’accompagnement. Parce que dans une profession comme la nôtre, qu’un corbillard soit propre, c’est normal, qu’un porteur se comporte bien et qu’il ait une tenue propre, c’est normal. Par contre, que l’on aille vers la famille, que l’on s’occupe d’elle, qu’ils sentent une présence, là, cela devient un investissement personnel ».

Cette « juste présence » est incarnée par des mots, des gestes symboliques et des petites attentions tissant un lien de proximité avec la famille.

Proposer une cérémonie personnalisée

Loin d’une cérémonie impersonnelle et standardisée, une cérémonie humaine et personnalisée s’attache à mettre en scène la biographie du défunt. Le cérémonial, articulé autour des proches, déroule le fil d’une histoire qui retrace les filiations, les appartenances, les affections…

Chaque participant fait aussi l’objet d’une attention particulière et peut traverser cette épreuve plus sereinement.

Quel avenir pour les pompes funèbres ?

Après que les discounters des pompes funèbres aient investi ce marché considéré avant tout comme lucratif, le secteur funéraire semble traverser une nouvelle mutation.

Animées par la volonté de proposer des services personnalisés d’une grande qualité, dans une démarche individualisée et respectueuse, les coopératives funéraires remettent du sens dans un secteur jusque-là déshumanisé. Ce modèle solidaire et éthique, déjà bien développé en Angleterre et au Canada, plaît par son approche et inspire de nouveaux projets en France.

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Après Nantes, plusieurs coopératives ont vu le jour en France, notamment à Bordeaux, Angers, Digon, Rennes, etc.

Ces nouvelles formes de coopération sont un embryon d’action pour dénaturaliser nos comportements économiques. Gageons que cette tendance se confirme et irrigue la société. La marchandisation des liens ne doit pas être le seul horizon de nos sociétés.